Charlie
Kaufman, « when Moses comes down in the valley »
Copyright Arnaud M.
La première question qu’un profane peut poser est très
simple : qui est Charlie Kaufman ?
Eh bien Charlie Kaufman est un scénariste. Rien d’exceptionnel
me direz-vous… Et pourtant…
L’on doit à Charlie Kaufman les scénarios les plus déjantés
de ces dernières années : Being John Malkovich (Dans la peau de John Malkovich),
Human Nature, Eternal Sunshine of the Spotless Mind,
Adaptation ou encore Confessions of a Dangerous Mind (même si ce dernier fût remanié par le réalisateur
George Clooney).
Derrière la folie, plus qu’apparente, bien réelle, de ces
histoires schizophrènes, se cache une étonnante complexité, une imagination
irréelle et une culture profonde.
Plongeons un peu plus en détail dans ces scénarios fabuleux :
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Being John Malkovich : entre deux travaux pour la
télévision, Kaufman écrit ce scénario complètement loufoque où une petite porte
mène dans la tête du comédien John Malkovich. Un
pitch qui a de quoi décontenancer les plus fous d’entre nous. Et qui dérouta
bon nombre de producteurs avant qu’enfin le scénario ne trouve preneur et
réalisateur, en la personne de Spike Jonze, le premier « double » visuel de Charlie
Kaufman. Et le résultat n’en fut que plus époustouflant. Une folie furieuse doublée d’un lyrisme
profond (les scènes de marionnettes notamment). Succès critique et public, Being John Malkovich révèle le
talent et l’extraordinaire inventivité de Kaufman, le lançant ainsi sur la voie
royale du succès. Plus d’infos
sur le film ici.
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Human Nature :
deux années après la sortie de Being John Malkovich, Michel Gondry,
merveilleux clippeur, réalise le nouveau scénario de
Charlie Kaufman, Human Nature. L’histoire d’un homme-singe qui rencontre une jeune femme à la pilosité
impressionnante et un scientifique désabusé. Fable écolo-humaniste,
ce film touche par son ton décalé et la simplicité de son propos, mais
malheureusement parfois trop simple et manquant de vigueur. Ce film est
pourtant une belle réflexion sur la nature humaine, la différence, le monde capitalo-liberticide. Même si le film n’est pas génial,
beaucoup plus sage que Being John Malkovich,
il marque la rencontre de Michel Gondry avec Charlie
Kaufman, rencontre qui sera fructueuse un peu plus tard… Plus d’infos sur le film ici.
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Adaptation : retrouvant Spike
Jonze, Charlie Kaufman a livré ici « LE »
scénario le plus puissant, le plus déjanté, le plus jouissif de tous ceux qu’il
a écrit (jusqu’à ce jour). Jugez plutôt : Charlie Kaufman est un
scénariste cherchant à adapter le livre de Susan Orlean,
The Orchid thief, pour le cinéma. Mais il ne sait pas comment l’adapter,
comment parler des orchidées, de Susan Orlean. Et son
frère jumeau Donald, scénariste en herbe, ne jure que par les méthodes toutes
faites pour écrire un film qui marcherait. De quoi énerver Charlie qui se torture
pour écrire quelques lignes. La force du scénario d’Adaptation réside dans le
fait que Charlie Kaufman a choisi de se mettre lui-même dans son propre
scénario, en train de réellement adapter un livre, ce qu’il fait en fait sous
nos yeux ébahis !! Une formidable mise en abyme qui fait le cœur du
film et qui est le point de départ d’une œuvre profondément schizophrénique,
rocambolesque, drôle et passionnante. Réflexion sur le travail de scénariste, d’écrivain,
d’artiste, sur la confusion de la réalité et de la fiction, sur l’amour, la
fraternité, Adaptation est un scénario magnifique, rythmé, fou, marqué par une
grande maîtrise de l’intrigue principale et des intrigues sous-jacentes, qui se
confondent au fil des minutes avec une harmonie incroyable. Une leçon de
scénario ! Spike Jonze
une nouvelle fois saisit l’essence du travail monumental de Charlie Kaufman, ne
perdant rien à l’image et mettant en scène avec brio un scénario démesuré et
fourmillant de mille et une idées. Malgré les excellentes critiques, le film ne
marcha pas beaucoup en salles, la faute peut-être à cette folie extrême et à la
trop faible promotion ! A noter que le casting est de choix : Nicolas
Cage dans le double rôle Charlie / Donald Kaufman, Chris Cooper, Meryl Streep, Tilda Swinton,
Maggie Gyllenhaal et Brian Cox.
-
Confessions of a
Dangerous Mind : l’adaptation de la
biographie du présentateur de télévision Chuck Barris,
star dans les années 70, qui fut apparemment un agent de la CIA à ses heures
perdues. Fabuliste ou réellement sérieux, une vie très intéressante faite de
très hauts et de très bas. Kaufman retrouve le goût des histoires aux
personnages doucement ou furieusement schizophrènes. Le scénario était d’abord
très axé sur le personnage de Chuck Barris et cette
double vie, réelle ou imaginaire, qu’il relata dans son livre. Malheureusement
pour Charlie Kaufman, la collaboration avec George Clooney
ne se passa pas bien, Clooney refusant de tenir
compte de l’avis du scénariste, et dépouillant le scénario de sa substance pour
en faire un film plus classique, notamment plus axé sur la représentation de la
CIA et de ses agents de la guerre froide. Le film est tout de même réussi mais
perdit la griffe de Kaufman. Une expérience malheureuse pour Kaufman qui en retînt
les leçons et surveille dorénavant de plus près ce qui est fait de son travail.
Plus d’infos sur le film ici.
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Eternal
Sunshine of the Spotless Mind : Gondry/Kaufman,
les retrouvailles. Après le relative échec de Human Nature, Gondry et Kaufman
refont équipe avec cette histoire d’amour, qui bien entendu est loin d’être
conventionnelle ! Le film raconte l’histoire de Joel
et Clementine, un couple qui se désunit. Alors que Joel n’arrive pas à oublier cet amour, il décide de faire
appel à un étrange médecin capable d’effacer une partie de la mémoire… Mais cela
l’oblige à revivre ses souvenirs… Avec cette histoire d’amour, Charlie Kaufman
trouve un matériau qu’il n’avait guère exploiter jusque là, préférant décrire
une certaine folie mais finalement peu de sentiments amoureux. Il remédie à
cela avec Eternal Sunshine
of the Spotless Mind, film brillant et magnifique sur un couple qui se fait
et se défait à l’infini, de sa rencontre jusqu’à sa séparation. Grâce à la mise
en scène inventive et profondément artistique de Michel Gondry,
qui n’utilisa que des effets visuels et non pas spéciaux, le film a une saveur
authentique, artisanale, qui le rend d’autant plus touchant.
Le couple à l’écran, Jim Carrey et Kate Winslet, fonctionne à
merveille, avec l’appui de très bons comédiens dans les seconds rôles (Kirsten Dunst, Mark Ruffalo, Elijah Wood et Tom
Wilkinson. Jim Carrey, qui se cantonne
malheureusement trop à des rôles comiques parfois poussifs, trouve ici un grand
rôle dramatique, malheureusement ignoré par beaucoup. Pourtant, on ne l’avait
vu si bon depuis The Truman Show et surtout Man on the Moon (Milos Forman), où il brillait entre drame et
comédie. La création artistique, la sensibilité de Gondry
et de Kaufman ont fait que ce film, justement récompensé par le Prix
Première, au festival du cinéma américain de Deauville 2004, et
surtout par l’Oscar du meilleur scénario original, récompense amplement mérité
qui aurait dû être attribuée en toute objectivité à Kaufman pour Being John Malkovich et
Adaptation. Tout en gardant la folie dans son scénario, Kaufman a écrit avec Eternal Sunshine of the Spotless Mind
(titre inspiré d’un poème d’Alexander Pope) une histoire d’amour simple, belle
et consciente. Retrouvez la critique ici.
So what now ? Quel sera le prochain
scénario de Charlie Kaufman porté à l’écran ? Actuellement, aucune info
réellement fiable ne circule à ce sujet. Ce serait un « scary » movie. Kaufman collaborerait avec Spike
Jonze pour la troisième fois mais il est également
question de la première réalisation de Charlie Kaufman. Lors de son passage en
2004 au Festival du
cinéma américain de Deauville, une master class eu lieu et Kaufman souligna
son désir de réaliser un jour un film tiré d’un de ses scénarios plutôt que de
voir son scénario repris par un autre.
Informations
à suivre bien entendu sur Criticsonline.
Charlie Kaufman
est l’un des scénaristes les plus en vue en ce moment, et ce depuis quelques
années. Son univers particulier, sa précision dans le travail ainsi que son
refus de toute facilité scénaristique ou complaisance artistique pour des raisons
financières sont la marque d’une réelle passion pour l’écriture et de l’esprit
du personnage. Pas aussi taciturne que l’image de lui qui a été dépeinte,
Kaufman reste un énigmatique scénariste, dont le talent n’est plus à prouver
aujourd’hui.
S’intéressant
à des histoires profondément humaines, Kaufman a su également leurs insuffler
une folie, un décalage complètement unique, qui n’a fait que renforcer leur
impact sur le spectateur.
Si les
films tirés des scénarios de Charlie Kaufman n’ont pas rencontré, hormis Eternal Sunshine of the Spotless Mind,
de réel succès public, ils restent des œuvres réussies qui méritent plus qu’un
coup d’œil.
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